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Les scénarios de vie

Les scénarios de vie
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alt: Petite fille s'engageant sur un chemin, un scénario de vie

Une violence aux impacts spécifiques

Aujourd’hui, nous allons parler des scénarios de vie, autrement dit du devenir à long terme des enfants victimes de violence sexuelle.

Une personnalité en cours de construction

On l’a déjà évoqué, subir une agression sexuelle pendant l’enfance ou à l’âge adulte, c’est très différent. Et ceci pour deux raisons. La vulnérabilité psychique des enfants est supérieure, les traumatismes sont plus impactant, prennent des formes plus graves, comme la dissociation mentale. La deuxième raison est que la personnalité des enfants est en cours de construction et que tout ce qui se passe dans la vie des enfants peut influencer la manière dont leur personnalité se construit.

La personnalité d’un adulte est stable. En tout cas, relativement stable. Bien sûr, elle évolue tout au long de la vie, mais dès la fin de l’adolescence ou le début de l’âge adulte, cette évolution est tout de même limitée. La personnalité est déjà construite, elle s’est construite tout au long de l’enfance. Si on intervient sur une maison en cours de construction, dont on est en train de poser les fondations ou de bâtir les murs, on n’a pas le même impact que si on intervient sur une maison dont la construction est terminée. Pour les traumatismes, c’est la même chose. Sur un enfant, en plus des formes plus graves de traumatismes, l’expérience d’avoir été victime de violences va avoir une influence sur la construction de la personnalité. D’accord, mais laquelle ? Et puis, est-ce la même pour tout le monde, pour tous les enfants ?

C’est à toutes ces questions que l’on va répondre aujourd’hui, avec la notion de scénario de vie. C’est parti !

Le traumatisme

Alors pour commencer, que vit l’enfant victime de sévices, sur le moment ? Il y a d’abord l’incompréhension, la sidération. Parfois aussi la terreur intense, parfois une absence totale d’émotion. Pour survivre, le psychisme s’est dissocié, tout est coupé. L’enfant se sent comme en dehors de son corps, ou bien en dehors de la réalité. Si vous voulez en savoir plus, comprendre comment cela fonctionne, n’hésitez pas à écouter le podcast sur la mémoire traumatique, vous y trouverez des informations sur le syndrome de stress post-traumatique et la dissociation mentale. Donc l’enfant est traumatisé et souvent aussi dissocié. Voilà pour la sphère émotionnelle. Au niveau de la signification personnelle, l’enfant se sent fautif. Son estime de soi est atteinte.

Une particularité des violences sexuelles sur les enfants est qu’elles se produisent souvent sans violence apparente. Là aussi, si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à vous reporter au podcast sur le fonctionnement pervers. Une forme de violence psychologique s’exerce sur l’enfant mais elle est insidieuse, puisqu’il s’agit de manipulation mentale.

Pourquoi y a-t-il si souvent manipulation mentale?

Pourquoi cette différence, vous demandez-vous peut-être ? Pourquoi dans bien des cas, il y a violence physique, forçage, contrainte, dans les violences sexuelles exercées sur les femmes adultes et à l’inverse, dans la plupart des violences sexuelles sur les enfants il n’y en a pas ? Pourquoi est-elle alors remplacée par la manipulation mentale ?

Il est possible qu’il y ait plusieurs réponses à cette question, mais l’une d’entre elles joue un rôle clé. Les violences sexuelles sur les femmes ont lieu dans des lieux clos, cachés. Or les rapports sexuels entre adultes sont autorisés. Donc, si la victime parle, un argument souvent énoncé par le mis en cause est que le rapport sexuel était soi-disant consenti. Et oui, prouver le contraire n’est pas une mince affaire et revient à l’heure actuelle uniquement à la victime, ce qui ne manque pas d’alimenter les débats sur les évolutions possibles du code pénal pour mieux prendre en compte la question du consentement. 

Avec les enfants, c’est une autre histoire. C’est une autre histoire parce qu’il y a un interdit. Bien sûr, certains auteurs de violence sexuelle argumentent tout de même que l’enfant était consentant. Et jusqu’à la loi d’avril 2021 sur le seuil de non-consentement automatique, certains juges étaient, aussi incroyable que cela puisse paraitre, sensibles à cet étrange argument. Mais globalement, la société sait que tout comportement sexuel sur un enfant est une agression sexuelle, donc l’argument ne tient pas. Les auteurs d’agression sexuelle sur enfant manipulent leurs victimes, abusent de leur confiance afin que l’enfant soit muré dans le silence. Ils échappent ainsi à la justice. 

Du fait de la dissociation, les enfants peuvent être – sont souvent – coupés de leurs émotions et de leurs pensées, concernant l’agression. Pour certains, c’est comme un objet bizarre, inidentifiable, pour d’autres, le traumatisme fait l’objet d’une amnésie traumatique. Le souvenir de l’agression ne remonte que des années, voire des décennies après. Et pour ceux qui ont un relatif accès à leurs pensées concernant l’agression, la culpabilité, l’incompréhension, la confusion, sont au premier plan.

Quatre caractéristiques très fréquentes

Mais quoi qu’il en soit, il y a un avant et un après, dans la vie des enfants, même quand ils sont dissociés, et même quand ils présentent une amnésie traumatique, ils sont connectés de manière directe à la douleur. De quelle façon ? On peut identifier quatre caractéristiques principales dans les récits des jeunes victimes. Premièrement, elles développent souvent des sensations de vide interne, de vide à l’intérieur de soi. Cette sensation de vide intérieur est extrêmement angoissante.

Deuxièmement, les victimes, qui ressentent de la culpabilité et de la confusion en viennent à se détester elles-mêmes. La haine, au lieu d’être adressée à l’agresseur, est essentiellement retournée contre soi, contre son corps notamment. La haine de soi, le dégoût de son corps sont très intenses, ils sont au premier plan.

Et puis, troisième point, il y a une méfiance, une grande méfiance envers les autres qui se développe. Parfois, c’est envers tous les autres, envers les humains en général. Parfois, c’est envers une catégorie spécifique : par exemple le monde des adultes qui n’a pas été protecteur, ou parfois seulement une méfiance vis-à-vis des hommes. Ou alors envers les ados garçons en général, quand l’auteur de la violence est un adolescent.

Dernier élément fondamental, le quatrième : le vécu d’abandon, très souvent présent. Pourquoi ? Parce que, dans beaucoup de cas, l’enfant ne parle pas, il ne peut pas en parler car il ressent que les adultes autour de lui ne pourraient pas accueillir sa confidence. L’enfant garde alors le silence, un silence très lourd à porter. Et rester seul ainsi pendant des années avec sa détresse, avec son secret, ça génère fort logiquement une expérience d’abandon. Autre cas de figure, l’enfant parle mais n’est pas cru. Pas cru par ses parents, pas cru par sa fratrie et ses grands-parents, ajoutant un deuxième traumatisme au traumatisme initial.

Mais pas cru non plus par la société. Et ça, c’est loin d’être rare. Rappelons ici que plus de 70% des plaintes sont classées sans suite. Au final, moins de 1% des auteurs de violences sont finalement condamnés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Donc quand l’enfant parle, dans la plupart des cas, il n’est pas vraiment écouté, en tout cas il n’est pas cru, sa parole est remise en cause. Voila là encore une expérience d’abandon pour l’enfant.     

Résumons les principaux éléments, ceux que l’on retrouve le plus fréquemment : la mémoire traumatique, des sensations de vide, la haine et le dégoût retournés contre soi, une profonde méfiance vis-à-vis des autres, une angoisse d’abandon. Evidemment, l’impact sur la manière dont la personnalité se construit est considérable.

Des conséquences à long terme bien connues

Une première conséquence à long terme: les troubles mentaux

Sur ce terrain, un certain nombre de troubles mentaux sont susceptibles de se développer : trouble borderline, trouble du comportement alimentaire, trouble bipolaire, dépression sévère avec tentatives de suicide.

Je ne cite pas ces troubles par hasard, des liens ont été établis par des études entre agressions sexuelles subies pendant l’enfance et risque accru de développer ces différents troubles.

J’ouvre ici une parenthèse. Les patientes et patients présentant ces maladies sont trop souvent abordés par la porte d’entrée des symptômes, ce qui est trop réducteur. La recherche de possibles violences sexuelles devrait être systématique. Pour traiter le traumatisme, pour aider la patiente ou le patient à mieux comprendre ses symptômes. Par exemple, dans le trouble du comportement alimentaire, on retrouve assez souvent des sensations de vide intérieur intense, un besoin de se remplir et un dégout de son corps. Avoir subi des agressions sexuelles peut expliquer ces perceptions, ces sensations.

Autre exemple, dans le trouble borderline, on observe une angoisse d’abandon ainsi qu’une méfiance dans la relation aux autres. Là encore, faire le lien avec les agressions sexuelles vécus au cours de l’enfance, le cas échéant, permet de donner du sens à ses ressentis et ses croyances, pour mieux prendre du recul. Et puis faire le lien, c’est aussi l’occasion de traiter les traumatismes pour apaiser la détresse émotionnelle.

Dire cela, revient-il à expliquer qu’il suffirait de traiter les traumatismes pour guérir de tels troubles ?

Malheureusement non, ils doivent être traités en eux-mêmes et une approche symptôme est nécessaire pour dans certains cas guérir, dans d’autres, vivre avec. Mais par ailleurs, une approche traumatologique en complément est indispensable, pour permettre aux blessures de l’enfance de cicatriser. Je ferme ici la parenthèse.

Une souffrance qui se vit dans le corps

Le risque est donc accru de développer une maladie mentale, mais le mal-être se vit aussi et surtout dans le corps, et les répercussions à long terme sur santé physique sont légions. On sait désormais que les traumatismes provoquent des perturbations neuroendocriniennes qui influencent l’immunité. Donc les victimes ont tendance à avoir davantage de problèmes de santé que les personnes qui n’ont pas été traumatisées enfants. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce sujet, l’étude sur les ACE comme Adverse Childhood Experiences, fait référence et mesure l’ampleur des conséquences sur la santé. Les données présentées sont édifiantes.

On l’a vu, les enfants victimes, en grandissant, développent un certain nombre de symptômes de mal-être, à l’adolescence, à l’âge adulte. Mais toutes ces caractéristiques : traumatisme et dissociation, vécu d’abandon, méfiance, etc., ont aussi des conséquences sur la manière dont la personnalité se construit. Ont des conséquences sur le scénario de vie.

Le scénario de vie

Dans bien des cas, le scénario de vie est inconscient. Pour Jeffrey Young, psychologue américain, la victime met en place des stratégies inconscientes, à travers des comportements, des choix, qui lui permettent de valider, de consolider les croyances profondes inconscientes.

L’inconscient va vers ce qu’il connait

Pourquoi donc ? Pourquoi valider des croyances, si ces dernières sont nuisibles, destructrices ?  Et bien tout simplement parce que l’esprit humain va vers ce qu’il connait. Les repères, même mauvais, même nocifs, sont rassurants. Rassurants car ils ont le mérite d’être familier. Le terrain est connu. A l’inverse, le changement, la rupture avec les repères familiers, constitue une expérience très déstabilisante. Donc avoir des comportements, faire des choix qui, au bout du compte, valident les croyances inconscientes, permet au psychisme de conserver ses repères, ceux qui se sont mis en place au cours de l’enfance.

Alors Jeffrey Young, toujours lui, a identifié trois grandes tendances.

La revictimisation

La première est la revictimisation. La victime revit, encore et encore des traumatismes, subit des violences. Par exemple, après avoir été agressée enfant, elle se retrouve à subir de nouveau des agressions sexuelles au cours de sa vie adulte. Est-ce une simple coïncidence ? Est-ce du masochisme ? Et bien ni l’un ni l’autre.

Parfois, cela s’inscrit dans un scénario de vie de revictimisation. Mais pas toujours. Parfois, cela peut être un manque de chance, celui d’être au mauvais endroit au mauvais moment mais pas toujours une coïncidence pour autant. Je m’explique. Une expérience a montré que les prédateurs sexuels étaient plus attirés par des femmes ayant déjà été victimes de violences sexuelles par le passé que de femmes qui ne l’avaient pas été et ceci sans connaitre le passé des unes et des autres. Donc quand une femme subit une violence sexuelle alors qu’elle en a déjà subi enfant, parce qu’elle est devenue la proie d’un prédateur sexuel, on parle là du scénario de vie de l’agresseur, cela ne donne pas d’information sur le scénario de vie de la victime.

Alors revenons à la revictimisation. Qu’est-ce que c’est ? Pour le dire simplement, c’est inconsciemment se retrouver encore et encore dans des situations de danger, d’insécurité. Par exemple, une ancienne victime se met en danger, en acceptant de rencontrer un inconnu chez elle.

Ça peut être aussi une femme qui est attirée par un homme qui dégage une certaine assurance, qui semble avoir une grande confiance en lui. Elle espère acquérir de l’assurance aux côtés de cette personne. Elle a aussi l’illusion que le fort caractère, le caractère qui en impose, de son conjoint est susceptible de représenter une forme de protection pour elle, face aux dangers extérieurs. Et en réalité, rien ne se passe comme prévu. Le fort caractère, la grande assurance était en fait des signes de domination. Le conjoint la soumet, dans une relation d’emprise, et des violences conjugales, sexuelles ou physiques, et psychologiques, se mettent en place.

Alors attention, la revictimisation n’a rien à voir avec la naïveté. Les victimes ne se « jettent pas dans la gueule du loup » par naïveté. Non. Les victimes ont intériorisé, profondément, les violences subies dans l’enfance, elles ont intériorisé avec la violence l’emprise et la domination. Consciemment, elles cherchent à y échapper, dans les bras d’un homme en apparence « fort ». Inconsciemment, en subissant des violences à l’âge adulte, elles valident leurs repères, elles retrouvent le danger, l’insécurité, la violence auxquelles elles ont été habituées enfant.

J’ai pris là deux exemples de revictimisation – se mettre en danger, dans les rencontres avec des inconnus, être attiré par un homme qui semble très sûr de lui et se révèle finalement violent. Je vais en prendre un troisième que j’observe aussi assez souvent. Une femme dans un scénario de vie de revictimisation peut être attirée par un homme qui lui parait fragile. Là, le processus est un peu différent.

Cet homme fragile réactive en elles la petite fille en souffrance, s’en occuper, c’est réparer, c’est prendre soin de l’autre comme on aurait aimé qu’un adulte prenne soin de soi, enfant. Malheureusement, la « fragilité » supposé du conjoint l’amène à se montrer agressif et peu à peu, la violence et l’emprise s’installent. Le prétexte mis en avant pour justifier la violence est différent – dans un cas un sentiment de supériorité et de mépris, dans l’autre une rhétorique autour de la fragilité, mais au final, le résultat est le même.

Alors la situation inverse existe-t-elle ? Un homme qui a subit des violences sexuelles enfant peut-il être dans un scénario de revictimisation et subir de la violence à l’âge adulte, dans le couple notamment, par exemple de la violence psychologique ? La réponse est oui, cela arrive aussi. Simplement, statistiquement, ce cas de figure est beaucoup moins fréquent.

L’évitement

Passons à présent au deuxième scénario de vie possible : le scénario évitement. Dans ce scénario-là, la victime cherche à mettre sous le tapis la détresse émotionnelle, elle fait tout pour l’étouffer, pour lui échapper. Cet évitement peut passer par des addictions, à l’alcool, au cannabis ou à des drogues dures. Mais il existe une multitudes d’autres façons d’éviter la détresse auxquels on ne pense pas toujours.

Les troubles alimentaires, par exemple, bien que très invalidants, ont parfois pour objectif de combler le vide intérieur, ou d’en prendre le contrôle, avec l’anorexie. Certaines femmes expliquent que l’anorexie comme l’hyperphagie ont pour elles une fonction de transformation du corps pour le rendre moins désirable aux yeux des hommes, pour se protéger, ne plus revivre l’horreur. Les scarifications sont une autre façon d’éviter la détresse, de la faire taire par le biais de la douleur physique. Dans tous ces phénomènes, il y a une part d’évitement, mais aussi très souvent une part d’autopunition, en réponse à la haine de soi.

Le développement de douleurs chroniques est également un phénomène que l’on retrouve fréquemment chez les victimes. Ces douleurs dans le corps, révèlent le mal-être vécu dans le corps, mais font aussi écran aux traumatismes, en prenant toute la place, en occupant toute l’attention.

Il en est ainsi de l’évitement en général, qui montre le mal-être, tout en y faisant écran.

Et pour faire face à la méfiance, la victime peut fuir toute relation réellement intime. Elle n’est pas nécessairement isolée. Mais elle reste à la surface, insaisissable.

Le scénario de vie agresseur

On a déjà évoqué le scénario revictimisation et évitement. Il nous reste un dernier scénario de vie à évoquer, celui qui fait de la victime d’hier le bourreau d’aujourd’hui. Appelons-le le scénario de vie agresseur. Ce scénario peut concerner minoritairement des femmes mais on le retrouve plus fréquemment chez des hommes. La victime devenue adulte est en lutte contre la détresse émotionnelle enfouie, ne veut pas la voir. N’accepte généralement pas vraiment d’avoir été une victime et minimise ses souffrances passées.

Dans cette lutte pour se couper d’une part de soi, pour cloisonner la souffrance enfouie, la vulnérabilité de l’autre face à soi est insupportable. L’autre, cela peut être la conjointe, ou en, tout cas, une femme. Mais l’autre, cela peut être aussi un enfant, en particulier son enfant. Cette vulnérabilité de l’autre fait écho à la vulnérabilité de l’enfant, du petit garçon à l’intérieur de soi, ce petit garçon violenté. C’est insupportable. Alors, l’ancienne victime bascule, dans la violence conjugale, dans la maltraitance infantile, dans la violence physique et psychologique, par exemple.

Parfois aussi, l‘homme qui l’a agressé sexuellement est un oncle, un père ou un grand frère, un homme qu’il a aimé, qu’il a admiré, qui a joué un rôle important au cours de son enfance. Un homme dont il a été, dont il est toujours sous emprise. L’ancienne victime qui s’engage dans un scénario de vie agresseur s’est construit dans l’identification à l’agresseur. Le bourreau est aussi, et dans le même temps, le modèle. Du fait de l’emprise, il n’y a pas eu distanciation avec ce modèle. Après avoir été traité comme un objet, il traite l’autre comme un objet.

Parfois aussi, le modèle du couple parental était celui de la domination. Son père dominait sa mère et à son tour, il domine sa femme, il a le sentiment qu’elle lui appartient. Et il bascule dans le passage à l’acte violent au moment de la séparation, comme pour nier à sa femme la possibilité d’être sujet de son existence, pour la maintenir dans la place d’objet. 

Et ce passage à l’acte, peut être une violence sexuelle mais aussi une autre forme de violence, une violence physique par exemple. Il est important ici de préciser qu’il existe une porosité entre les différentes formes de violences, tout simplement parce qu’elles reposent toutes sur la domination et l’emprise, elles comportent toutes des situations traumatiques. Ainsi, un enfant victime de violence sexuelle peut devenir un auteur de violence sexuelle mais aussi de violence physique ou psychologique sans qu’il y ait de violence sexuelle. Et à l’inverse, un garçon victime de violence physique ou psychologique peut devenir à son tour un auteur de violence sexuelle, alors même qu’il n’a pas subi ce type de violence en particulier. 

Dernière précision avant de conclure, cette présentation est forcément un peu schématique. Les conceptualisations rendent la réalité intelligible, mais la réalité ne se réduit jamais aux conceptualisations que l’on en fait. Ainsi, une personne peut être principalement dans un scénario de vie de revictimisation et un peu aussi dans un scénario évitement, dans le même temps. De même, une personne peut être dans un mixte scénario de vie agression et évitement. Et puis parfois, on voit aussi une personne dans un scénario revictimisation basculer en scénario agresseur à un moment donné dans sa vie.

Troubles mentaux, conséquences à long terme sur la santé, sur le corps. Scénarios de vie revictimisation, évitement ou encore agresseur. On constate que les violences sexuelles, sont un poison qui agit dans la durée, qui pollue la vie des victimes dans tous les domaines, pendant des années, des décennies. Si la thérapie, si les soins au sens large jouent un rôle essentiel, il est évident que cette réponse n’est pas suffisante. Qu’il faut prévenir, faire en sorte que les violences sexuelles sur les enfants n’adviennent pas, faire davantage en termes de prévention mais aussi et surtout de protection. Pour cela, c’est la société toute entière qui doit se mobiliser, pour nos enfants. 

Ainsi s’achève ce podcast sur les scénarios de vie. J’espère qu’il vous a intéressé. N’hésitez pas à donner votre avis en commentaire et à vous abonner, et surtout, prenez soin de vous !

SOURCES

Livres :

Jeffrey Young, Janet S. Klosko, Marjorie E. Weishaar, La thérapie des schémas, De Boeck, 2005

Jeffrey Young, Janet S. Klosko, Je réinvente ma vie, Ed de l’Homme, 2003

Sarah Laporte-Daube, Après la maltraitance, se libérer des blessures de l’enfance, Ed de l’Homme, 2019

Sur Internet, l’étude sur les ACE :

https://www.cdc.gov/violenceprevention/about/index.html